Mémoire de la guerre 39-45 par André BARBIER
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- Catégorie : Guerres
- Publié le vendredi 12 janvier 2024 21:18
- Écrit par Daniel AUDINOT
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Mémoires concernant la guerre de 1939-45 de
André BARBIER à Jésonville
En 1940 au début de la guerre 1939-1945 j’avais sept ans.
J’étais en classe à l’école de Jésonville le 2 mars 1940, quand a eu lieu une bataille aérienne dans le ciel de Jésonville entre un avion allemand et un avion français, la maîtresse d’école a alors fait descendre tous les élèves à la cave qui se trouvait sous la salle de classe jusqu’à la fin de l’affrontement. Finalement l’avion allemand a été touché, deux aviateurs ont été tués, le troisième a sauté en parachute et s’est posé au lieu-dit la Ferrée, territoire de Jésonville. Je crois me rappeler qu’il avait une où les deux jambes abîmées ; il a été fait prisonnier. L’avion a continué sa course puis est tombé à Longeroye, un hameau de Harol.
Il y a une quinzaine d’années, j’en ai parlé avec un ami Arthur SAUNIER de la rue sous Harol qui avait 10 ans de plus que moi et qui en savait sur le sujet. Voici ce qu’il m’a dit et que j’avais noté. C’était un avion allemand trimoteur DORMIER sous licence française. Enfoncé à 7 m de profondeur, les moteurs sont toujours là à quelques centaines de mètres de l’ancienne gare SNCF de Longeroy/Harol devenu aujourd’hui un garage de réparation de tracteurs. Je ne sais plus l’ordre chronologique, mais avant, bien après cet incident, un ou plusieurs avions italiens, alliés à l’époque des allemands étaient venus bombarder les ponts de la ligne de chemin de fer à 1500 m de Jésonville. Ils ont manqué leurs cibles trois sont tombés en ligne à 150 m l’une de l’autre plus proche du village que des ponts de chemin de fer. De la terre a été projetée jusqu’à la première maison c’est-à-dire actuellement la maison de Jeannette CHAPELLE habitée à l’époque par Camille HAYSER soit 300 m.
Je n’étais pas à l’école, mais y en avait-il encore ?
Les soldats français étaient cantonnés en grand nombre dans le verger, à l’époque appartenant à Paul PLANCOLAINE, situé à 200 m de Jésonville en direction des Vallois. Ils avaient des chariots et des chevaux, mais je ne me souviens pas de véhicules à moteur. De là j’ai ramené beaucoup de papiers, alors bien sûr je me suis fait rouspéter par maman qui a tout brûlé.
Quelques jours plus tard, peut-être le lendemain, dans la matinée j’étais devant chez nous du côté de la grande route quand j’ai vu arriver descendant le village des drôles de véhicules avec des croix gammées je suis vite rentré le dire à maman. C’était les soldats allemands qui arrivaient… Ils ne s’arrêtèrent pas.
Quelques jours plus tard vers midi, mes grands-parents mangeaient avec nous, quand par la fenêtre de la cuisine on voit arriver des soldats allemands qui venaient chez nous. Ont-ils frappé à la porte ? Mystère mais ce que je vois encore, ils étaient debout à la cuisine, ils tenaient leur calot à la main grand ouvert et ils faisaient cot cot cot … ! Pas besoin de comprendre l’allemand, il voulait des œufs… Il voulait des œufs. Peut-être le temps d’aller chercher des œufs, un Allemand prend Michel mon frère dans ses bras et commence à le bercer, mon frère surpris et mécontent s’écrie : « t’auras pas bientôt fini ». La séance a dû finir là, les soldats sont repartis sans problème, avec leurs œufs, mais on n’en menait pas large !
Précédemment dans la page où j’ai évoqué un ami Arthur SAUNIER de la Rue sous Harol, chez eux aussi les Allemands étaient venus aux œufs, mais ils s’étaient servi eux-mêmes au poulailler, est un des leurs qui parlait assez bien le français étaient venus montrer aux parents Saunier un œuf en disant : « MÔDEL MÔDEL », c’était un niaud, en plâtre ou en faïence, à l’arrivée des Allemands, ces petits accrocs ce passait bien, mais à leur départ fin 1944 ça aurait été plus risqué.
Je ne sais pas si c’est à partir de cette date, mais il a fallu loger un nombre de soldats et un nombre de chevaux selon la disponibilité de la maison ou de la ferme.
Je sais que chez nous il y avait des soldat qui couchaient au-dessus de la salle a manger; ils avaient mis de la paille sur le plancher et je suis allé faire le tour de leur chambre alors qu’ils faisaient la sieste ; ils dormaient ou faisaient semblant, ils ne m’ont rien dit. D’autres logeaient sous des tentes dans les vergers au lieu-dit « le Quégniot » à 200 m de Jésonville direction des Vallois. Je suis allé les voir aussi, est-ce que j’étais seul ? Mystère ! Ils m’ont donné des paquets de cigarettes, ce dont je suis sûr les paquets ou bien les cigarettes étaient brillants comme du papier à chocolat, c’est de cela que je me souviens le mieux.
Dans la cour, devant chez LOSSEROY nos voisins du dessus, il y avait un canon sur quatre roues, genre chariot agricole, tiré par des chevaux. Au bout du tube du canon qui selon mes souvenirs mesurait peut-être 20 à 22 cm extérieur, les soldats avaient fixé un petit canon, jouet volé dans un magasin, il me faisait envie ce petit canon. Je me souviens d’avoir vu les soldats allemands manger à notre table de cuisine, je ne sais pas ce qu’ils mangeaient, mais je me souviens avec précision de leur pain. C’étaient des pains cubiques de 15 à 18 cm de tous côtés, bruns avec des petits trous serrés, genre pain d’épices. Ils le coupaient en tranches fines, un peu comme du pain d’épices. Ils n’ont pas dû manger souvent chez nous.
Juin 1940 : l’exode manqué
Avant l’arrivée des allemands, maman et mes grands-parents de Jésonville avaient projeté de partir avec Michel et moi. Ce que je me rappelle, on devait partir avec un chariot agricole à quatre roues en bois, équipé d’un plateau fourrager de 5 m de long sur 1,60 m de large, à chaque extrémité, les échelettes sur lesquelles devait être posée une perche en longueur de la remorque et supportant une bâche pour servir de toi, comme une tente sur roues. C’était l’invention de mon grand-père Charles BARBIER.
Maman elle je me souviens avait préparé de la toile pour faire des bandes à pansements et beaucoup d’épingles de sûreté. On devait aller dans un de nos parcs à Jésonville, celui-ci étant entouré de forêts des trois côtés. Voilà ce dont je me souviens.
Comme je viens de raconter ceci chez nous, Thérèse me dis : « J’en sais plus que toi » et bien alors raconte-nous… C’est Thérèse qui raconte : ta mère était venue chez nous à Hagécourt, dire que vous partiez, maman lui a dit « moi je reste avec maman ». Est-ce la raison pour laquelle on n’est pas partie ? Mystère ou bien les Allemands sont arrivés dans l’intervalle ? Mystère aussi.
Il y a plusieurs années en discutant à Hymont avec Raymond POILBLANC de ce genre d’événements ; voici ce qui lui était arrivé. Originaire des Ardennes, quand ils ont évacué il était très très jeune, ça se comptait en mois. Il est petit avec ses grands-parents et sa mère qui lui donnait la tétée. Ils sont en chariot tiré par une jument accompagnée de son poulain (très important). Sur la route de l’exode, ils ont fait connaissance de gens évacués comme eux, mais dont la maman ne pouvait nourrir suffisamment son bébé, ils ont donc trait du lait de la jument pour le donner au bébé et il a survécu. Ils en sont restés amis.
Courant janvier 2018, je parlais avec Odette MARCHAND née en 1936 à Jésonville, je lui racontais notre exode manqué en lui disant : « personne n’est partie de Jésonville, elle me dit, ah mais si ! Nous on est petit avec un chariot à cheval, conduit par tante Mathilde GAUDÊ, mais je ne sais pas où ! Demande donc à mon cousin Michel MARCHAND, il était avec nous et il saura.
Par contre, pour tard à la libération en septembre 1944 elle se souvient bien quand les Leclerc sont arrivés, sa maman René MARCHAND a préparé un bouquet de fleurs et c’était elle Odette huit ans à l’époque qui leur avait offert… Leclerc lui-même et des soldats ont mangé chez eux. Son papa Charles MARCHAND a apporté la mirabelle à la troupe.
Charles MARCHAND avait été prisonnier en Allemagne mais libéré car père de quatre enfants.
L’exode des familles GAUDÉ MARCHAND :
Mathilde GAUDÊ née MARCHAND dont le mari Roger était soldat, était la cheffe de l’équipage, femme de cultivateur, un cheval tranquille, un chariot agricole à quatre roues à rayons en bois, cerclées de fer, voilà pour l’équipement. Les futurs évacués, ses enfants, Noël âgé de neuf ans, André âgé de 3 ans ; il y a aussi sa belle-sœur Antoinette MARCHAND dont René le mari était soldat, leur garçon Michel âgé de cinq ans et leur fille Huguette âgée de 3 ans à l’époque. Il y a une deuxième belle-sœur Renée MARCHAND dont le mari est aussi soldat ; elle emmène sa fille Odette âgée de quatre ans et son fils Pierre âgé de 2 ans. Ils partent vers la haute Saône à Ormoy situé à plusieurs dizaines de kilomètres de Jésonville, où réside un frère Céleste MARCHAND. Ils partent de bonne heure le matin. Quelques kilomètres après Monthureux sur Saône située à 17 km de Jésonville c’est déjà un flot de réfugiés sur la route. Ils sont mitraillés par des avions soi-disant italiens. Mathilde a repéré une tranchée forestière, elle y engouffre son attelage hors la vue des avions. Ils repartent quand le calme est revenu. Pierre tombe du chariot et un doigt de la main passe sous une, on fait un pansement de fortune. Enfin ils arrivent à Ormoy à la tombée de la nuit.
Le maire submergé organise le placement de tous ces réfugiés. « Mettez votre cheval dans cette pâture pour la nuit et puis entrez dans ce hangar ». Ils passent la nuit serrés les uns contre les autres. Le lendemain matin, c’est décidé on va regagner notre maison, d’autant que la rumeur dit « les Allemands vont arriver… »
Une infirmière fait un pansement sérieux au doigt de Pierre en disant « il faudra le montrer au médecin en arrivant chez vous ». En arrivant chez vous, c’est bien beau mais la maison qu’on a laissée vide est occupée par les soldats allemands … On va voir le maire qui se rend sur place et sans problème, les Allemands se retirent.
Le 7 avril 2018 Bernadette MURA m’a dit : « Maman aussi a évacué en 1940. » Cette personne, c’est Anne-Marie BARETH, à l’époque elle a vingt- quatre. C’est la fille de Charles BARETH maire de Jésonville. Anne-Marie BARETH a évacué en mai 1940. Elle est partie avec sa tante Marthe ROUX qui conduisait une voiture et son cousin André ROUX une autre voiture. Ils emmenaient une autre Tante Marie CORDIER et sa domestique Germaine BELLOT. Ils sont partis dans l’Allier ; ils logeaient chez des fermiers qui les ont bien reçus. Anne-Marie travaillait à la mairie de Saint Bresson. Un peu avant l’hiver Anne-Marie s’est fait une fausse carte d’identité puis elle est revenue avec Marie CORDIER et Germaine BELLOT.
Essai d’exode des familles AUDINOT PICARD :
René AUDINOT est parti en voiture avec Pierre GERARD de Lerrain vers Beaune en Côte d’Or mais vu l’afflux des réfugiés sur les routes et les bombardements des avions italiens, ils sont retournés chez eux ;
De son côté Marthe AUDINOT, née SALMON, âgée de 30 ans, épouse de René AUDINOT a attelé un cheval à une remorquer fourragère et elle a chargé ses enfants : Robert 10 ans, Bernard 8 ans, Denis, 3 ans et Yvette 1 an. Elle a pris bien entendu des vivres. Elle fait monter aussi Germaine PICARD sa sœur qui habitait au bout du village avec ses enfants : Jeannot 11 ans, Alice, 8 ans et Marc quelque mois. Ils ont pris la direction de Darney, mais arrivés à la hauteur de la ferme de Manneçon à quelques centaines de mètres du village, tout cet équipage rebroussait chemin.
Témoignage de Ginette THIEBAUT, le 18 mai 2020 :
Victor THIEBAUT, Louis BALAUD, Pierre BALAUD, son frère et Pierre MAILLARD sont partis à vélo vers Dijon, à la demande des Autorités Françaises. Ils sont revenus aussitôt tellement c’était le désordre sur les routes.
J’ai su aussi que Paul PIERREFITTE avait suivi la même consigne, mais lui était parti à moto et revenu pour la même raison, de débâcle incontrôlable.
Quand les soldats allemands sont arrivés en juin 1940, Ginette THIEBAUT âgée de 5 ans, se souvient que des allemands ont réquisitionné la chambre où ils logeaient des réfugiés civils français pour s’y loger eux-mêmes. Ces allemands ont envoyé coucher les réfugiés à la grange qui sont partis les jours suivants.
Les allemands avaient des chevaux et pour arroser leur victoire, ils ont fait la fête dans le parc attenant à la maison THIEBAUT. Ils avaient pris des tables d’écoliers pour jouer aux sauts d’obstacles avec leur cavalerie.
Le camp de la misère à Bains-les-Bains (88)
A Bains-les-Bains, situés à 20 km de Jésonville, du 18 au 26 juin 1940, il y avait 40 000 prisonniers français parqués dans une prairie humide de 25 hectares. Ils seront conduits à pieds dans les casernes d’Epinal.
Environ 1943 – La relève
Notre porte de grange servait de panneau d’affichage en plus de l’affichage sur celle de la maison de pompe à incendie. Je me souviens bien d’une propagande allemande sur une affiche collée sur notre porte. On y voyait la porte ouverte d’un wagon de voyageurs et un soldat français prisonnier qui en descendait, étant libéré par les allemands et trois ou quatre jeunes volontaires français enthousiastes qui partaient en Allemagne pour le replacer, ça veut dire y travailler. Il y avait écrit en gros sur l’affiche :
La relève commence, la relève continue
Mon commentaire : On n’a jamais entendu dire qu’un prisonnier ait été libéré de la sorte. Pure propagande allemande ou du gouvernement de Vichy ; André BARBIER décembre 2018.
Ici Londres
Evidemment il était interdit d’écouter Radio Londres. Ou il fallait le faire discrètement. Chez nous on se faisait discret et on l’écoutait en sourdine. Il y avait plusieurs signaux sonores très caractéristiques qui se répétaient trois ou quatre fois puis une voix d’homme « Ici Londres, ici Londres, les Français parlent aux français » et suivaient des messages codés entre autre pour les maquis et que bien sûr on ne comprenait pas.
Notre voisin d’en face René AUDINOT, à l’époque, il avait 39 ans, jeune, fort et surtout orphelin de la guerre 1914 où il avait perdu son père, il gardait une dent contre l’occupant allemand et faisait exprès d’écouter Radio Londres, fort et la fenêtre ouverte… Evidemment c’est arrivé aux oreilles de Charles BARETH, le maire de Jésonville, à l’époque. Il faut se mettre dans sa peau car il était responsable du comportement de ses administrés. Il était alors venu faire « la morale » à René AUDINOT qui n’a jamais voulu baisser le son de la T.S.F. il n’y a pas eu d’incident. Ce n’était toujours pas facile de comprendre les émissions de Radio Londres parce que l’ennemi allemand avait des émetteurs radio pour brouiller sur le même canal, c’était une espèce de roucoulade, d’ondulation sans fin.
Le 11 mai 1944 à 3 heures, par un beau ciel bleu le Bombardement de la gare d’Epinal
Il a fait 260 morts, des centaines de blessés et de nombreuses ruines par un lâcher à haute altitude (4 à 5000 mètres) de 250 bombes en 20 minutes par l’aviation US. On dénombrait 260 morts et des centaines de blessés. Et puis comme la voie ferrée n’avait pratiquement pas souffert, le sinistre mugissement des sirènes va retentir à nouveau le mardi 23 mai à 8h47.
Après ces deux bombardements, 407 familles se trouvaient totalement sinistrées. 191 immeubles étaient anéantis dont l’Eglise Notre Dame et 206 sérieuisement touchés. Nombreuses sont les familles spinaliennes qui ont payé un lourd tribut à la guerre.
A la fin de l’été 1944
René COUSIN caché chez Maurice DIDELOT
René COUSIN est un « malgré-moi » luxembourgeois caché chez Maurice DIDELOT à Jésonville.
Voici ce que ma conscrite Cécile DIDELOT née en 1933, épouse de Maurice MARTIN de Darney m’a raconté courant 2020.
Mes parents Maurice DIDELOT et Marie SALMON ont caché un soldat luxembourgeois nommé René COUSIN, un ‘’malgré-moi’’ évadé du front russe ou plutôt à la suite de blessures, il était revenu au Luxembourg pour des soins et s’est sauvé pour ne pas repartir au front. Celui-ci était un neveu de Jean PICARD luxembourgeois aussi. Jean PICARD était électricien, il était venu à Jésonville disons dans les débuts de l’électrification vers 1926 et il s’était marié avec Alice SALMON, une sœur de Marie SALMON épouse DIDELOT et de Marthe SALMON épouse AUDINOT.
René COUSIN enrôlé malgré lui dans l’armée allemande réussit ainsi à se soustraire du front russe et arrive à Jésonville chez un neveu ou cousin Jean PICARD. Mais Jean PICARD a une famille nombreuse surtout de jeunes enfants, ce sera difficile de garder un aussi grand secret !… Jean PICARD en parle à son beau-frère Maurice DIDELOT qui a aussi des enfants, mais ce sont de grandes adolescentes, la plus jeune Cécile à 11 ans, les risques sont beaucoup moins grands ; René COUSIN vient alors se cacher chez Maurice DIDELOT. René COUSIN connaissant les risques ne sortaient que le soir ou la nuit. Il allait prendre l’air dans un petit jardin de Maurice DIDELOT situé en bas de la cour d’école . C’était aussi voisin d’une maison inhabitée appartenant à M Charles BARETH maire de Jésonville. Charles y venait rarement, mais avait aperçu plusieurs fois le clandestin ! Il rencontra alors Maurice DIDELOT lui demandant de le faire partir, sinon, lui, maire pourrait être inquiété par l’occupant allemand.
Maurice DIDELOT en parla à son beau-frère René AUDINOT de Jésonville qui trouva une nouvelle cache à Ménil-sous-Harol chez un autre beau-frère nommé Adrien LOSSEROY. Tout aurait pu se terminer là, mais le destin est parfois terrible… Nous sommes en fin d’été 19444, le maquis de Grandrupt-de-Bains se forme ; René COUSIN le luxembourgeois évadé ainsi que Gilbert LOSSEROY, le fils d’Adrien LOSSEROY où se cache René COUSIN s’engagent au maquis. Le maquis de Grandrupt est pris le 7 septembre 1944. Ils sont déportés et ne reviendront jamais des camps de la mort.
Un soir de fin août ou septembre 1944 : Prisonniers russes
La date est imprécise, un soir de 1944, alors qu’on mangeait, Anne Marie BARETH secrétaire de Mairie et fille du maire de l’époque est entrée chez nous très pressée en disant « schnell schnell » elle s’adressait à un ou deux prisonniers russes qui étaient placés chez nous, je suppose, depuis quelques jours. Tout le groupe de prisonniers logeait la nuit dans une maison inhabitée , chez M THOUVENOT. Les allemands reculaient, ils ne voulaient surement pas perdre une main-d’œuvre aussi bon marché et qui en plus se retournerait contre eux ! Ces gens travaillaient dans des usines, ils s’expliquaient comme ils pouvaient en disant, « fabrick, fabrick » Un véhicule devait les prendre ce soir là.
Le 12 septembre 1944 en soirée Hélène ROMMEVAUX est abattue
Hélène ROMMEVAUX est célibataire, âgée de 63 ans, demeurant avec son frère célibataire, René, surnommé « René cœur ». Ils habitent dans la 3ème maison du village e arrivant à Jésonville, côté Darney. Elle a été abattue d’un ou plusieurs coups de révolver dans sa cuisine ; d’après Anna Marie BARETH une balle a été retrouvée dans une patte de l’armoire de la cuisine. C’était un officier allemand qui lui a peut-être demandé des renseignements, mais Hélène avait un tic ; elle faisait des grimaces et en même temps, elle émettait un bruit comme un crachement ; il est possible que l’allemand l’ai paris pour une réponse ; j’ajoute aussi que l’allemand avait déjà visité les deux premières maisons et n’avait trouvé personne.
René ROMMEVAUX, son frère était dans leur grange, donnait à manger aux lapins, au bruit de la détonation, il est sorti pour découvrir sa sœur tuée et voir l’officier allemand qui était venu en side-car partir en direction du centre du village, puis faire demi-tour car il se trouvait sous le feu d’une automitrailleuse des Leclerc ; Marc GAUDÉ habitant le quartier avait vu le demi-tour brutal.
Hélène ROMMEVAUX a été inhumé avec les honneurs militaires. Son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Jésonville. André BARBIER _ recopié le 31 mars 2020
12 septembre 1944 Camion allemand côté Manneçon (Darney)
L’alsacien Marie Joseph ISELIN, soldat allemand « malgré-moi »
Au cours de l’après-midi du 12 septembre 19444, des éléments avancés de la division Leclerc positionnés entre Jésonville et Dombasle au lieu dit ‘’la pièce de vingt jours’’ tirent et touchent un camion militaire allemand venant de Darney, au pied de la côte de Manneçon à 400 mètres du village de Jésonville ; il ne brûle pas. Deux soldats tués seront inhumés plusieurs jours plus tard à Belrupt, trois se sauvent dans les bois proches et regagneront sans doute Belrupt où stationnait de la troupe allemande.
D’après Bernadette MURA, selon les dires de ses parents, les bois de Manneçon sont déjà envahis de chars allemands en attente de ravitaillement en carburant. Ce qui est quasiment sûr puisqu’ils prendront position à Jésonville, le lendemain, 13 septembre vers 4-5 heures du matin.
A l’époque la ferme de Manneçon, située à 400 mètres du camion, est exploitée par Maria AUDINOT, veuve qui a un ouvrier agricole Paul MURA, alsacien, qui a pris le maquis fin 1942 afin de ne pas être enrôlé de force dans l’armée allemande comme ce qu’on a appelé ‘’les malgré-moi’’. Paul MURA s’est rendu auprès du camion et par les gémissements et les plaintes a reconnu un dialecte alsacien. (Témoignage de sa fille Bernadette MURA).
Monsieur Charles BARETH, maire de Jésonville est prévenu. Il organise l’évacuation du blessé à la Mairie de Jésonville ; disons que c’est une bonne chose pour la suite des évènements car l’occupant qui est aux abois est tré nerveux. (Lire le témoignage de Roger DUHOUX de Belrupt, ci-après).
Paul MURA, René MARCHAND etc emmèneront le blessé à la Mairie de Jésonville. Le blessé est veillé par Anne-Marie BARETH, la fille du maire, Mathilde GAUDÉ et Marguerite SCHAD ; Appelé, le docteur FROMENT de Lerrain n’a pas voulu venir, je le comprends, il était le médecin clandestin du maquis de Grandrupt qui venait d’être pris le sept septembre 1944, cinq jours auparavant. 214 hommes sont embarqués en déportation. Anne Marie m’a dit il y a une quinzaine d’années, « par le trou de la blessure du soldat, on voyait le poumon remuer ».
Madame Jeanne CAYRE habitant à Jésonville, âgée de 54 ans, part à vélo chercher l’abbé Marc Fève, curé de Lerrain qui vient lui aussi à bicyclette à Jésonville pour donner les derniers sacrements au blessé. Le curé ne repartira que le lendemain car i y a trop de risque sur la route, ce soir là ;il couchera donc à Jésonville chez Pierre BALAUD.
Le 13 septembre 1944, à 2 heures du matin, les soldats allemands viennent chercher leur blessé. Ils le conduiront à Gérardmer, puis plus tard en Autriche. Il sauvera sa peau, mais bien sûr sera physiquement très diminué. Il sera cependant très précieux pour son père qui veuf a déjà perdu son autre fils sur le front russe.
Voilà la raison pour laquelle cet homme Marie Joseph ISELIN voue une quasi vénération à Jeanne CAYRE (Lire une de ses lettres ci-après) ; Plus tard il sera le parrain de Bernadette MURA née en 1956, la seconde fille de ses sauveteurs Anne Marie BARETH et son mari Paul MURA.
Ce 12 septembre 1944 en soirée, Paul MURA a du dormir chez PICARD 1ère maison du village côté Darney, car c’était impossible d’aller à la ferme de Manneçon. Un jeune garçon de 30 ans René JOLY, de Dombasle devant Darney a été tué en montant la côte de Manneçon. Maria aurait bien voulu qu’il reste à la ferme car elle était seule avec ses 3 filles : Simone, Cécile et Odette. Paul voulait retourner à la ferme par le bois de Dombasle en passant à travers champ. En sautant un talus, il s’est trouvé nez à nez avec 3 allemands. Ils l’ont fouillé, questionné ; Il se voyait déjà fusillé à la mitraillette. L’un deux a dit « lassen » ‘Laisse en français. Paul est remonté vers le point de vue où il a retrouvé Madame CAYRE et sa fille Yolande qui s’étaient sauvées du village.
Cet épisode a été rapporté à moi André BARBIER par Anne Marie MURA-BARETH, le 232 février 2004.Je l’ai recopié le 30 mars 2020.
Situation à Belrupt le 12 septembre 1944 après-midi
D’abord il faut dire qu’il y avait beaucoup de soldats allemands à Belrupt ; il avait même été question d’y faire un camp.
Un feldwebel (c’est un adjudant) et un soldat allemands sont venus chez Charles DUHOUX, à l’époque, ancien de 14-18 qui possède une scierie. ; Charles est le père de Roger mon interlocuteur et d’un autre fils. Ces soldats allemands s’adressent à Charles DUHOUX pour lui demander une planche et une scie pour faire une croix, car disent-ils, on a deux morts. Donnez nous une vieille scie car on vous ne la rapportera pas !...
Le feldwebel parlait bien le français, il a demandé : »ces deux jeunes garçons sont vos enfants ? oui à répondu Charles DUHOUX, alors « cachez-les, mes hommes sont intenables »
Monsieur DUHOUX lui a dit vous parlez bien le français « oui, j’étais professeur de français à Stuttgart »
Pour cacher ses grands fils Madame DUHOUX leur trouva du travail et une cachette au jardin. Ecosser ou éplucher des haricots entre les planches de haricots.
Le travail se déroule bien, puis subitement brisant la clôture du jardin arrive un soldat allemand tout fou baïonnette au canon, casque sur la tâte, grenades à la ceinture, disant quelque chose d’incompréhensibles, montrant peut-être les poules au jardin. Il se met à pousser le jeune Roger devant lui, la baïonnette dans le dos, hors du jardin, puis vers la maison, à la cuisine, où il ouvrit sans ménagement les portes du buffet et quand il découvrit les œufs, il partit comme il était venu, comme un fou avec le panier d’œufs.
Toujours à Belrupt
Les soldats allemands ont emmené un blessé qui avait le côté gauche arraché chez Fernand JOLY, ils l’ont placé sur un lit, ont posé son fusil à portée de main en disant « soigner le bien on reviendra » et ils sont revenus le chercher.
Ils ont déposé aussi deux tués dans la grange de chez LEROY, voisin de chez BARNAUD, à l’époque celui-ci aurait bien voulu voir ces morts loin, il pensait si d’autres allemands les découvrent ils penseront peut-être que je les ai tués. C’est Henri COUPET oncle maternel de Roger DUHOUX et Raymond RAVELOT qui ont creusé les tombes contre la porte de l’école. Le transport des corps s’est fait avec une schlitte. Il n’y a pas eu d’enterrements. Un corps a été rapatrié quelques années plus tard.
Après réflexion, je suppose que les deux morts enterrés à Belrupt seraient les deux tués dans le camion à la côte de Manneçon car il n’y a pas eu d’enterrement de soldat allemand à Jésonville
Propos recueillis de Roger DUHOUX 16 ans à l’époque des faits en 1944, natif et habitant Belrupt. Note faite le 4 mars 2018 chez Roger et recopié à Jésonville le 4 avril 2020. André BARBIER.
Copie d’une lettre écrite par l’alsacien blessé et adressée à Madame CAYRE.
Quand Madame CAYRE est décédée, ses enfants nous ont vendu sa maison. Lors de réparation, on y a trouvé des photos et du courrier sans doute oubliés. Je les ai rendus à Yolande la fille et lui ai demandé si elle m’autorisait à copier cette lettre de l’alsacien ; ce qu’elle a fait avec empressement et je l’en remercie encore. Merci Yolande. André BARBIER -3 avril 2000.
René JOLY est abattu à Manneçon le 12 septembre 1944 en soirée.
C’est ce même soir qu’a été abattu Monsieur René JOLY (voir page 6), âgé de 40 ans, habitant Nancy, mais venu se réfugier à Dombasle, dans la maison de ses parents décédés, afin d’y être en sécurité ».
Il était venu comme d’habitude chercher du beurre à la ferme de Manneçon, chez Maria AUDINOT, veuve avec ses trois filles Simone, 8 ans, Cécile 7 ans et Odette quelques mois seulement. Maria aurait voulu qu’il reste ce soir là, car Paul MURA, son ouvrier agricole alsacien caché là pour échapper à sa mobilisation dans l’armée allemande n’était toujours pas rentré. Rappelez-vous c’est lui qui avait aidé à porter le soldat blessé l’après-midi de ce 12 septembre, à la Mairie de Jésonville.
Avancée de la Division Leclerc le 12 septembre 1944
Le 12 septembre 1944, Vittel est libérée par la division Leclerc commandée par le Général LECLERC et le commandant MASSU entre 14 et 15 heures. Ensuite elle poursuit sa route vers Dompaire par Valfroicourt et Bainville-aux-Saules, et atteint les abords Sud ouest de Dompaire pour y passer la nuit du 12 au 13 septembre.
Pendant ce temps la 112e Panzer brigade allemande forte de 90 chars de type Panther de 40 tonnes, chars les plus lourds et les plus modernes à cette époque arrivent à Dompaire venant d’Epinal. Ces chars se rangent aux abords des habitations, de même que des canons tractés anti-aérien et anti-char. Les éléments d'infanterie arrivèrent à la tombée de la nuit pour se reposer dans les granges des fermes. D'importants dépôts d'obus étaient constitués aux environs de l'église.
Durant cette journée du 12 septembre, un détachement de la Division Leclerc, le 12.RCA GTL MENJONNET contourne Vittel par Lignéville, Thuillières, Esley, atteint Sans-Vallois à 15H puis les Vallois, Pont les Bonfays, Pierrefitte, Les Ableuvenettes. En soirée, il se positionne sur le plateau entre Ville sur Illon et Damas. Il était équipé de chars, automitrailleuses, Jeeps, GMC, etc. Plusieurs tirs eurent lieu sur les forces allemandes entre Jésonville et Lerrain. Voir ci-dessus. Vers 22-23h00 le commandant MINJONNET réunit dans un fossé sous la pluie, tous les commandants d’unité des différentes armes présents dans le secteur Tchad, 12e RCA, 40e RANA. « Le commandant nous explique que nous formons une pointe extrême, en avant de l’ensemble de la DB et nous sommes presque encerclés. Une brigade de chars allemands se trouve à Dompaire à 3 kilomètres au nord-ouest de notre position. Evaluée entre 80 et 90 blindés Mark IV et Panther, elle constitue une force énorme, d’une puissance de feu extraordinaire. Il faut donc
Extraite de : http://2db.forumactif.com/t584-darney-et-le-lieutenant-colonel-roumiantzoff?highlight=DARNEY
– 12 septembre : Massu délivre Vittel, qui est occupé par 500 à 600 allemands (46 seront tués, 284 faits prisonniers). Les éléments de reconnaissance de la 2ème DB, constitués par les Spahis marocains (RMSM) du Lieutenant-Colonel ROUMIANTZOFF , couvrent le sud de la progression de la 2ème DB. Le Groupement ROUMIANTZOFF fait bouchon au sud de RIAUCOURT, DARMANNES, CONSIGNY, HUILLIECOURT, ROCOURT, DOMBROT le SEC, THUILLIERES et ESLEY. Il est accroché à Darney (ROUMIANTZOFF signale des chars légers mais ne voit pas les chars lourds venant de Bains –45 chars lourds, quelques canons, 300 à 400 hommes et des éléments de reconnaissance-… et qui s’installent pour la nuit du 12 au 13 dans les bois entre la Forge Kaitel et Jésonville –Manneçon-). ROUMIANTZOFF installe son PC à Sans-Vallois (MASSU est à Valleroy le Sec, le PC du GTL est à Thuillières). Ses chars sont en position au point de vue face à Lerrain et Jésonville
Dans le même temps, le commandant MINJONNET laisse MASSU prendre Vittel et fonce vers Ville sur Illon par Dombrot, Vivier le Gras, Provenchères, St Baslemont, Thuillières, Dommartin, Sans Vallois, les Vallois, Pont les B, Lerrain, où un détachement allemand est surpris en train de jalonner un itinéraire depuis Darney.
– 13 septembre : les chars allemands (45 chars lourds et 300 à 400 hommes) stationnés près de Maneçon sont ravitaillés. Ils ressortent de la forêt à Jésonville à Manneçon pour lancer une contre-attaque sur Ville sur Illon où se trouvent le PC du GTL et MINJONNET. Cette contre-attaque est contrée … avec un peu de chance. Ils rejoignent Damas/Dompaire, où se trouve le reste de la 112ème Panzer Brigade venue d’Epinal. Les forces sont disproportionnées : 90 chars allemands contre 29 chars français (+ 19 en appui). Les forces allemandes se retrouvent néanmoins coincées dans une vallée, sans armes antiaériennes. La 2ème DB (MASSU et MINJONNET), appuyée par 6 avions US, écrase la division allemande : 65 chars allemands et 24 canons sont détruits à Dompaire et Damas. 300 à 400 allemands sont tués (plus de 1000 blessés). C’est la perte la plus sévère pour l’armée allemande en une seule journée en Europe.
– 14 septembre : Darney n’est pas encore libéré. Des formations ennemies y sont encore signalées. ROUMIANTZOFF tire sur Darney depuis le point de vue de Jésonville et Dombasle. Le 1er peloton et le 3ème du 2ème Escadron du RBFM, commandé par le Lt de Vaisseau Guillon (les « fusillés marins de LECLERC », unité de tanks destroyers occupent Bonvillet. Des allemands sont à la Forge Kaitel. Le fusiller marin KLEINLEIN, qui a déjà reconnu à pied la Forge Kaitel, arrive bon premier à Darney et ne trouve personne. Tout le peloton porté suit, et est rejoint 20 minutes plus tard par l’avant-garde blindée du 1er escadron (LT de Vaisseau PAULY), passé par Jésonville. Reconnaissance d’Attigny à Monthureux (qui sera réinvesti par 200 fantassins allemands 1/2h plus tard…). Accueil enthousiaste partout. 4 ambulances et deux voitures légères allemandes sont interceptées à Darney. Le soir, le détachement PAULY se replie sur Jésonville et Lerrain.
– 15 septembre : le détachement GUILLON renforcé par le peloton de chars légers “Nanterre” du 501e Régiment de Chars de Combat. Celui-ci effectue une reconnaissance sur Hennezel où il détruit au canon un Autocar transportant une patrouille allemande. De nombreux allemands sont signalés à Monthureux. Dans l’après-midi le Maître Le Barbu suivi de MAURER et de SALF interceptent une patrouille de reconnaissance allemande comprenant 9 cyclistes. Pour la nuit, le détachement est renforcé de tout le détachement PAULY et du Peloton d’obusiers du Q.G. Des prisonniers sont faits par petits paquets.
– 16 septembre : le 1er peloton est à Jésonville, le second à Lerrain, le reste à Darney. Démonstration de force pour essayer de tirer de la forêt de Bois Le Comte (entre Darney et Relanges) les 150 ou 200 allemands qui s’y terrent sous la pluie. 2 T.D. bombardent à vue la forêt pendant que 5 automitrailleuses battent les routes en tirant sur les lisières. Aucun résultat immédiat. Les prisonniers se présenteront par petits paquets dans la soirée et le lendemain.
– 17 septembre : même situation. Contact à Bourbonne avec le 2e Spahis de la 1ère division blindée, venant du Sud.
– 18 septembre : même situation de l’Escadron. Des éléments du 1er et du 2e Escadron du R.B.F.M. font une démonstration au village de Claudon, où la population entière les accueille, les cloches sonnant à toute volée… La guerre est finie. Le 19, le RBFM traverse la Moselle.
Extrait de la brochure ‘’Sans-Vallois et la vallée du Géné par Paul CLAUDE :
Le 13 septembre 1944, je (Paul CLAUDE de Sans Vallois 20 ans) décide de former une patrouille pour effectuer une reconnaissance sur Lerrain et Jésonville. Cette patrouille dont je prends la responsabilité est composée de Robert FARON, Roger Claude, Pierre BAGUET, André MILLIARI Serge RENARD de Sans-Vallois et Luc PREVOST de Les Vallois et moi-même. Bien entendu notre progression se fait à travers champs, objectif, gare de Lerrain où arrivés à proximité, Léon SERRIERE au café de la gare à Lerrain, nous dit que les allemands sont partis et qu’il n’y a plus personne. Nous faisons alors demi-tour, direction Jésonville. En remontant par la vallée, nous apercevons deux automitrailleuses sur le sommet du Haut des Monts, versant regardant Lerrain en direction de Jésonville. N’ayant pas de jumelles, nous pensons à une reconnaissance des Leclerc, mais grosse erreur, c’état des allemands. La décision est prise d’éviter Jésonville, et de le contourner par le nord-ouest et de repartir ensuite Est Sud Est vers Manneçon et la D6. Quand nous arrivons pour traverser la route Jésonville Dombasle devant Darney, surgit à environ 200 mètres une nuée d’infanterie allemande qui sort de la forêt et se déploie en tirailleurs. Un éclair de réflexe, en une fraction de seconde tout le monde est derrière une haie à moins de 10 mètres, nous gagnons un abri épais plus sur. En nous rapprochant du sommet nous voyons se déployer des chars , des aut- blindées, des canons, des autochenilles et l’infanterie sur camions, avançant en tirailleur de chaque côté de la route. Il était environ 10 heures ce 13 septembre 1944, ils se dirigeaient vers Lerrain. C’était la 2ème demi-brigade de la 112ème Panzerbrigade comprenant 45 chars Marck IV, des canons antichars, un bataillon de panzergrenadiers de 3 à 400 hommes, plus une compagnie de reconnaissance. Décision immédiate : retour dans les plus brefs délais sur Sans-Vallois. A 11heures, je prévenais à trois reprises différentes des jeeps de la Division Leclerc qui traversaient la localité et je recevais à chaque fois l’assurance qu’ils alertaient le commandement et que le nécessaire serait fait.
Nous venions d’échapper à quelques minutes près à un massacre certain à Jésonville, car nous étions armés et munis de brassards F.F.I. au bras. Cette unité allemande venait de Bains-les-Bains était arrivée à Jésonville dans la soirée du 12 septembre, où elle avait passée la nuit en bordure de la D6 lieu dit ‘’Manneçon’’. Elle avait été ravitaillée en carburant le 13 septembre dans la matinée et se destinait à participer à la bataille de Dompaire, espérant prendre en tenaille la Division Leclerc.
A sans-Vallois vers les 15 heures de ce 13 septembre 1944, le Colonel ROUMANTZIOFF, installe son P.C. et déploie ses spahis. Ses chars sont en positions dans le village et sur les points hauts face à Lerrain et Jésonville. Il donne l’ordre aux civils d’évacuer le village et de se réfugier au Bois du Curé. Deux de ses chars se trouvaient en difficulté, un à la sortie vers les Vallois, détourné sur le talus de la route ayant glissé. Il était appuyé contre un noyer, prêt à renverser. Un autre est déchenillé lieu dit ‘’Duremchamp’’. En fion de soirée du 13,les Marck IV venant de Jésonville, pris à partie par l’aviation et les chars français, sont en partie détruits à Ville-sur-Illon, Damas et Dompaire. Le dispositif mis en place par les spahis est allégé.
En fin de soirée du 13 septembre, une patrouille formée des spahis CHAIZE, BOREL et PERAULT doit aller reconnaître les positions ennemis sur Jésonville. Louis TASSARD, un jeune de Sans-Vallois se porte volontaire pour guider le détachement et prend place dans la jeep. C’est au retour à l’entée de Lerrain, que le drame se produit. Juste après le passage à niveau, s’apercevant que la route est minée, il fait nuit,deux hommes descendent pour déplacer les mines. Ils s’éclairent d’une lampe électrique, mais un char français en position plus bas, croyant avoir affaire à des allemands, fait feu. L’obus atteint la jeep, plusieurs sont blessés dont Louis TASSARD. Les premiers soins sont donnés par le Docteur FROMENT de Lerrain qui accompagne les blessés sur half-track jusque Sans-Vallois. Ils sont immédiatement dirigés par ambulance sur l’hôpital de Vittel. Le spahi CHAIZE et Louis TASSARD sont amputés d’une jambe et notre ami Louis TASSARD succombera des suites de ses blessures le 5 novembre 1949.
Le 14 septembre 1944 au main, une batterie de canons chars de 105 prend position au-dessus du ‘’Tupré’’ et tire sur Darney qui n’est pas encore libéré et où fes formations ennemies sont signalées.
C’est aussi ce jour du 14 septembre, en fin de matinée, que le Colonel ROUMANTZIOFF, commandant le 1er régiment de spahis marocains de la 2ème D.B., officier d’origine russe, les cheveux roux, d’une grande force de caractère, après avoir passé en revue notre section de reconnaissance du 13 septembre, qui lui présente les armes, est reçu en mairie. Il signe le registre des délibérations et participe au vin d’honneu offert à nos libérateurs.
Le lendemain, 15 septembre 1944, des collaborateurs sont présentés à son P.C. ; l’avion de reconnaissance et liaisons se pose et décolle de nombreuses fois à proximité du village. Une cave vaste et isolée a été aménagée pour recevoir les prisonniers allemands qui sont nombreux, plus de cinquante. Y arrivera également le général allemand commandant la Place de Chaumont et après quelques jours, les spahis nous quitteront.
Un regroupement de F.F.I. se faisant à Bains-les-Bains, je pars le rejoindre. Le rassemblement et le logement se font à l’Etablissement Thermal et là, quelle ne fûts pas bientôt ma surprise et ma stupeur s’y voir et parader en grande tenue d’officier français, plusieurs collaborateurs notoires. Après les protestations nombreuses et vigoureuses de la population, ils furent arrêtés ; cet intermède m’a laissé un profond dégoût d’un tel comportement et d’un tel culot. Ensuite je suis transféré à la Caserne Schneider à Epinal et après une semaine laissé pratiquement sans but, je décide de rentrer chez moi, étant certain d’y être plus utile, la 2ème D.B. de Leclerc ne prenant plus de volontaires dans ses rangs.
La Division Leclerc a repris sa progression et se trouve sur Baccarat avec l’armée PATTON, loin des bases de débarquement, pour qui les communications et le ravitaillement nécessitaient une grosse organisation.
Un train sanitaire est stationné à Lerrain, des soldats U.S. sillonnent encore nos villages ; Leur nourriture et leurs cigarettes font beaucoup d’envieux et un nouveau trafic s’établit avec eux et alimente encore au profit des mêmes, un juteux commerce.
Nous sommes toujours en guerre, il ne faut pas l’oublier. La libération aurait pu voir se dérouler de dramatiques règlements de compte. Rien de tel n’est arrivé. Des comités de libération sont mis en place par canton. Les cas de collaboration relativement nombreux sont examinés et un tribunal départemental sanctionne leurs auteurs en peine de prison, confiscations de biens, retrait des droits civiques etc….
Paul CLAUDE de Sans-Vallois
Nuit du 12 au 13 septembre 1944
Dans cette nuit, peut-être minuit, on était couché dans la même chambre, mon frère et Maman (mon père était prisonnier en Tchécoslovaquie), on est réveillé par des bruits anormaux.
On s’habille, on guette par une fenêtre. C’étaient les soldfats allemands qui partaient à pieds, à cheval, en voitures en tombereaux, tout ce qui marche sans moteur. Je n’ai pas idée de la durée convoi. Je suppose que c’est la nuit là qu’ils ont pris un cheval de notre voisin René AUDINOT, dans un parc en bordure de route.
Nous sommes encore réveillés, cette nuit là, mais cette fois un bruit infernal de moteurs et de ferrailles. Des chars allemands MARK 4 aux chenilles métalliques prenaient position dans Jésonville. Il y en avait un devant chez Georgette AUDINOT, sur la fosse à purin toute neuve de René AUDINOT, de l’autre côté de notre rue.
Les fantassins les camouflaient pour cela, ils coupaient les jeunes érables et peupliers de la pépinière des ponts et chaussées située à 150 mètres au carrefour de la rue de la couare avec la rue principale, ainsi que nos jeunes mirabelliers, à la hache à 1 mètre de haut ; ils camouflaient, ils camouflaient, ils avaient l’art du camouflage, ils avaient très peur de l’aviation et ils avaient raison, ils n’avaient aucune défense aérienne contre avions. On a su plus tard qu’ils campaient là car ils étaient à court d’essence. L’essence est arrivée en fin de » matinée du 13 septembre 1944.
Le gros de l’effectif, trente cinq chars étaient dans les bois de Manneçon à 2 km de chez nous.
Ils étaient venus d’Epinal par le train à Bains-les-Bains puis par la route de Darney en passant par Hennezel, dans l’objectif d’intercepter les Leclerc qui suivaient l’axe Neufchâteau-Vittel-Dompaire.
Donc heureusement pour nous, l’essence est arrivée, vers midi et les chars sont partis pour la « boucherie de Dompaire ». On avait eu chaud !
Si je me souviens bien les soldats des chars étaient tout de noir habillé. Ils surveillaient le ciel avec des jumelles, ils étaient inquiets.
Ce matin là, un soldat du char de devant chez AUDINOT s’aventura derrière la ferme à AUDINOT, belle aubaine ! Des canards… Celui-ci épaula son fusil pour tirer un canard, René AUDINOT qui était témoin interpelle l’allemand en lui faisant un signe de » la main, non, non, l’allemand lui fait une réponse sans équivoque : « moi EGAL moi EGAL » en mettant successivement en joue les canards et René AUDINOT qui a eu le bon réflexe de partir.
Propos recueillis de Robert AUDINOT, un fils de René né en 1930 et décédé en 2014 en présence de Marguerite sa femme, il y a une dizaine d’années.
Matin du 13 septembre 1944
La route au coin de chez nous était déformée.
Un matin alors qu’un convoi allemand hétéroclite descendait la rue, camions, canons, vélos, il y avait un soldat à vélo qui se tenait à la gueule d’un canon trainé par un camion, il a été déporté sur la gauche de la route puis est rentré dans un tas de cailloux se trouvant en bordure de route…
La roue avant du vélo était toute tordue. A ce moment là, un cycliste civil arrive par un petit chemin, il vient des Vallois, pays voisin, on le connait bien, c’est Georges TOUSSAINT, le bobineur de moteurs électriques.
Quelle bonne aubaine pour l’allemand, il arrive pile au bon moment pour ‘’donner’’ son vélo sous la menace du fusil.
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Paul PHEULPIN m’a raconté, il ya une quinzaine d’années, que le matin du 13 septembre, les fantassins allemands partaient vers Lerrain. Une partie descendait par la ruelle du Quegnot. La famille PHEULPIN, Henri le père, Gabrielle la mère, Cécile née en 1925 et Paul né en 1927 les enfants qui habitaient en face de la ruelle les observaient très discrètement. Ils avaient vu un jeune soldat jeter dans les orties, sans doute une caisse de munitions, mais un chef l’avait vu et lui avait fait reprendre.
Ensuite ces soldats à pieds ne suivirent pas la route mais le ruisseau du clos, situé à gauche de la route en descendant à Lerrain. Ça dégageaient la route empruntée par les véhicules de l’occupant , mais aussi c’était moins risqué quant à l’aviation, car à l’époque, ce ruisseau était bordé d’arbres, tout le long ; ce qui les camouflaient bien de l’aviation au cas où.
Après-midi du 12 septembre 1944 dans le petit village de La Rue-sous-Harol à 2,5 km de Ville-sur-Illon
Pierre SAUNIER 16 ans est phosphorescent :
Panique : »On tire sur nous au canon, vite à l’abri à notre cave » crie le père SAUNIER. Les parents SAUNIER se réfugient à la cave ainsi que leurs enfants, mais Pierre, un fils n’est pas là…
Quand la canonnade se calme Pierre arrive, il descend à la cave où ses parents sont encore réfugiés. C’est alors que son père d’un ton très fâché li demande : »D’où tu viens ? » Pierre répond : »De la cave chez Pierre MANGIN », c’est pas ce que je te demande : « d’où tu viens ? ».
Alors tout s’explique. Pierre est lumineux, il est phosphorescent, il est recouvert de poussières provenant des obus incendiaires qui ont explosé dans les environs, là où Pierre vient de passer c'est-à-dire entre les la maison de Pierre MANGIN et la maison SAUNIER, 200 mètres.
En effet Pierre avait remarqué en revenant chez ses parents que les choux du jardin fumaient, les choux fumaient !
C’étaient des soldats de Leclerc postés à l’entrée de Ville-sur-Illon qui tiraient sur le village de La Rue, là où ils avaient cru apercevoir des véhicules allemands.
Par chance il n’y a ni blessé, ni incendie.
Jésonville le 13 septembre 1944 en fin de journée ?
Camion allemand incendié au Vial
Georges ARNOULD né en 1925 avait 19 ans en 1944, il est décédé en 2014. Quelques années avant son décès, il m’a raconté qu’il aurait du partir avec son père rejoindre le maquis de Grandrupt, le 8septembre 1944, mais le maquis a été pris la veille, le 7 septembre ; ils avaient eu très chaud !
J’étais venu chez lui pour parler du camion allemand du ’’Vial’’ (C’est le nom de la rue) car Georges habitait cette rue, il devait donc en savoir plus que moi sur ce camion. Voilà ce qu’il m’adit : « Un véhicule de Leclerc était en position au carrefour de la maison de Jeanne GRANDCLERC, devenue maison du patrimoine, son canon était pointé en direction de Darney. Venant de Darney, un camion allemand se présente de face à 200 à 300 mètres, il est tiré et touché, il termine sa course après l’embranchement du chemin du bois contre le parc à Pierre TYHIEBAUT où il brûle. C’est cette grosse fumée que l’on verra depuis chez nous.
Un blessé s’est réfugié chez Raoul FREMIOT, maison toute proche où il est fait prisonnier. Un autre s’est enfuit dans un très court- chemin en cul de sac menant à une fontaine semi-enterrée aujourd’hui rebouchée et située entre la maison ex PHILIBEAUX et la maison BERTAUD. Il a cherché à s’échapper en montant à un corps-pendant où il sera abattu. Des impacts de balles sont restés très longtemps sur les façades, mais elles sont recrépies aujourd’hui.
Ce jour là Georges ARNOULD a vu devant chez lui le Général Leclerc. Cette anecdote m’a été confiée par lui le 13 mars 2004, je l’ai recopié ce du 31 mars 2020. André BARBIER.
Pendant ce temps, maman, mon frère Michel et Paul FRANÇOIS 18 ans ? notre ouvrier, on s’était réfugié à la cave, chez mon grand-père Charles avec lui ma Grand-mère Félicie, dans leur cave voutée et qui était disons recommandée puisqu’elle avait une sortie à chaque extrémité indispensables pour ressortir en cas de bombardement et d’écroulement.
Après un certain temps, quand tout a semblé calme, on est sortis, il y avait une grosse fumée noire dans le ciel à l’autre bout du village, c’était le camion allemand qui brûlait.
Paul FRANCOIS notre ouvrier est parti en courant dans cette direction. Déjà arrivaient de nombreux soldats français de Leclerc, ils couraient pliés, se faisant petits, ils nous ont demandés « Y a du frizou, y a du frizou ? », il n’y en avait pas. C’est probablement là ce moment là qu’on a découvert des engins blindés de reconnaissance, trois, quatre, cinq, je ne sais pas ; ça me semblait beaucoup, ils étaient en bord de route, actuellement devant la maison de Daniel AUDINOT. En face chez nous, devant chez René AUDINOT arrivait un haftrack. Dans le carrefour qui conduit aux Vallois, à 10 mères plus bas de chez nous, il y avait un véhicule, jje pense que c’était un dodge ; il avait une antenne et on entendait des conversations.
Après le 13 septembre 1944, Jules GAUDÉ de Hagécourt fait un prisonnier allemand
Je n’ai pas de date précise, mais c’est dans les jours suivants la libération qui est aussi celle de la bataille de Dompaire le 13 Septembre 1944.
Jules GAUDÉ avait des génisses dans un parc au lieu-dit ’’Devant les chênes’’, à 1,5 de Hagécourt et situé voisin de grands bois qui s’étendent vers Dompaire. Dans ce parc il y avait une baraque en bois où les bêtes pouvaient venir librement à l’abri du mauvais temps.
Jules GAUDÉ venait à pied voir ses bêtes. De loin le troupeau lui a semblé avoir un comportement bizarre, anormal. Comme ce n’est pas le premier venu, il échafaude tout de suite une présomption de soldats allemands en déroute se cachant dans la baraque !
Ni une ni deux, il retourne à la maison chercher son fusil, bonne idée, c’est beaucoup plus sûr.
Il revient donc au par cet surprend deux soldats allemands dans la baraque ; un réussit à s’enfuir dans la forêt, toute proche, l’autre est fait prisonnier et ramené à la maison GAUDÉ manu militari. Monsieur le Maire est prévenu et le prisonnier passera la nuit enfermé au dessus de la mairie puis sera livré aux autorités militaires.
Septembre 1944 : les munitions ;
Pierre SAUNIER me racontait encore en 2016, un peu avant sa mort, que sa mère allumait le feu dans leur cuisinière à bois pendant un an, avec de la poudre à canon. Il l’avait ramassé avec son frère Arthur fin 1944.
Les F.F.I. avaient vidé un camion de munitions et de poudre etc., à 800 mètres après la brasserie de Ville-sur-Illon, en direction de Mirecourt où il y a un petit étang au carrefour d’une petite route qui mène à Dompaire.
Il y avait donc là en bordure de rote des munitions sur le sol en ‘’libre service’’. C’est ce qu’on fait les deux frères SAUNIER, Arthur 21 ans et Pierre 16 ans.
Rassurez-vous ils n’ont pas ramassé que de la poudre !
Les cartes d’alimentation
Les F.F.I, les Forces Françaises de l’Intérieur venaient de divers horizons.
Les alsaciens ou mosellans qui ont refusé d’être incorporé dans l’armée allemande, à parti d’août 1942.
Les requis au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) en Allemagne, à partir du 16 février 1943 et qui ont pris le maquis.
Les prisonniers français évadés d’Allemagne.
Et ceux qui avaient un compte à régler avec l’occupant
Etc.
Tout ce monde n’avait pas de carte d’alimentation, puisque non recensé où alors une fausse carte.
Septembre 1944 : Cartouches de mitrailleuses
En septembre 1944 après le départ des Leclerc, j’étais au chemin des vaches à environ 1 km de Jésonville, vers la forêt, peut-être avec Michel mon frère, mystère, mais pas tout seul.
J’ai trouvé un jerrican presque plein. Je l’avais pris pour de l’essence, mais à l’arrivée chez nous, c’était du gasoil ou du pétrole, j’étais déçu.
On avait aussi rapporté, mais là on n’était pas roulé, une bande de cartouches de mitrailleuse. Je l’ai rangé dans un buffet à la salle à manger.
Nouvelle désillusion, quand papa est rentré de prisonnier en juin 1945, il a fait le ‘’ménage’’. La bande de cartouches, toutes neuves a ‘’disparu’’, je n’ai jamais posé de questions.
Fin septembre ou octobre 1944 : la grenade trouvée explose !
Comme tous les automnes quand l’herbe repoussait après la fauche des regains, on gardait les vaches dans les prés, là où il n’y avait pas de clôture. O y restait la journée ; souvent on faisait du feu pour faire cuire des patates dans la braise.
Ce jour là, la pâture était direction de Lerrain, derrière le chemin de fer, maintenant démonté. Mon frère était avec moi, peut-être que c’était la première fois de l’année, que l’on venait là, ce qui expliquerait la présence de Paul FRANÇOIS notre ouvrier.
A côté de nos vaches, celles de nos voisins d’en face, Bernard AUDINOT 12 ans et Denis AUDINOT 7 ans. Notre ouvrier 18 ans vient de trouver une grenade, il voudrait l’ouvrir, pour cela, il la projette contre le mur d’une cabane en maçonnerie de la SNCF plusieurs fois, elle se desserti et s’ouvre en deux, elle n’intéresse plus personne, il l’a jette.
Je la ramasse, je tire sur un truc, ça fait pschiui, je la jette malheureusement n’importe où, près de Denis AUDINOT. Il n’y a plus que le détonateur, il explose. Denis criblé de micro éclats s’écrie « tu m’as tué, tu m’as tué et se sauve à toutes jambes vers Jésonville situé à 1,5km.
A la première maison, Marie-Louise HEYSER qui fait les piqures, le soigne. Je ne me souviens pas du reste.
Septembre 1944 : le détonateur
Toujours après le départ des Leclerc, mon cousin Georges GAUDÉ d’Hagécourt a voulu démonter un détonateur d’obus.
Il n’y avait plus que la douille sans poudre. Je n’étais pas du lot, j’étais chez nous à Jésonville, mais il y avait son copain Claude GUILLERÉ auquel il a dit de partir et il a commencé à scier, mais je suppose que ça n’a pas duré longtemps.
Le détonateur a explosé ; mon Georges criblé de petits éclats, plein de sang, a sauté les clôtures de parcs pour aller se laver à la fontaine assez proche. Par chance il n’a pas eu d’éclat aux yeux.
Septembre 1944 : Tir au mauser
En septembre 19444, notre ouvrier agricole s’appelait Paul FRANÇOIS, il avait18 ou 19 ans, René AUDINOT, en face chez nous avait aussi un ouvrier, il s’appelait Pierre BEDEL. Avec les deux compères, je sui allé sans doute un dimanche après-midi, assister à un tir au ‘’mauser’’ au lieu-dit ‘’le coteau’’, un tir d’amusement bien sûr, la cible un vieux mirabellier.
3 Juin 1945 : Ma Première communion (André BARBIER) :
Etant donné que papa n’était pas rentré de prisonnier, maman ne voulait pas faire de fête à ma première communion. C’est ma marraine Hélène LANTERNE de Rancourt, la sœur de papa qui est parvenue à décider maman d’en faire quand même un peu.
D’abord il fallait donner un coup de peinture à la cuisine. Ce sont les peintres de Lerrain, les frères jean et René RIQUEUR qui ont été chargés du travail, mais il n’y avait plus d’huile de lin pour fabriquer la peinture, alors, très débrouillards, ces peintres ont utilisé de l’huile de colza pour préparer la peinture. En effet depuis quatre ans de pénurie, on commençait à semer un petit champ de colza de manière très artisanale, mais au moins on avait de l’huile presque noire, mais de l’huile quand même ! Bien sûr notre cuisine a senti le colza longtemps mais ce n’était pas un problème.
Avec cette huile pas raffinée presque noire on faisait des beignets ; ça sentait le colza à cent mètres, mais qu’importe, on la trouvait bonne et tout le monde en aurait bien voulu ! Eh dire qu’en 2018 on brûle de l’huile de colza dans les moteurs des autos et des camions ! Une honte !
Cette huile était fabriquée artisanalement à Jonvelle (70) en Haute Saône ; pour trois kilos de colza fournis, on recevait un litre d’huile, quant au prix de la façon, je n’en ai aucun souvenir.
Ma première communion était le dimanche trois juin 1945.
Le lendemain matin, lundi quatre juin, notre bon curé, l’abbé Marc FEVE de Lerrain avait organisé un voyage pour les premiers communiants : c’était la visite de la vieille église romane de Relanges, puis retour par Darney avec la visite de l’église et de l’orgue. On était partis avec sept communiants et cinq qui renouvelaient. Tout ce monde sur un chariot agricole à pneus ; c’était exceptionnel pour l’époque. Pas d’essence bien sûr, c’était un moteur à crotins, une bonne vieille jument calme du nom de Gadiche, conduite par Louis PIERREFITE, dix ans à l’époque.
On emmenait notre casse-croute. Les visites se déroulent sans problème. On revient par La Forge Kaïtel et Manneçon ; on arrive donc à Jésonville par l’autre bout du village vers cinq-six heures.
Mais pendant ce temps, il se passait de l’extraordinaire à Jésonville. A la cabine téléphonique de Jésonville, à cette époque le seul téléphone de la commune, était arrivé un télégramme qui disait : « Jean BARBIER arrive gare Epinal ». Immédiatement la téléphoniste de la cabine enfourche son vélo pour apporter la bonne nouvelle qui se répand comme une trainée de foudre.
Tout Jésonville le sait sauf moi et le groupe ! Quand notre chariot arrive à Jésonville, un habitant Georges ARNOULD qui a vingt ans à l’époque nous dit : »Jean BARBIER est arrivé ». Sur le coup, surpris, je n’y ai pas cru, mais je suis quand même parti en courant. Etait-il arrivé, je n’en sais encore rien ! Il y avait beaucoup de monde devant chez nous.
Thérèse LANTERNE, ma cousine de Rancourt était présente et se souvient encore bien, aujourd’hui en 2018 de voir maman et mon parrain Jules GAUDÉ de Hagécourt, partir en auto à Epinal, chercher papa ; par contre elle ne se souvient pas du retour.
En tout cas moi je n’étais pas là, mais je sais par la rumeur qu’ils sont arrivés avec la Rosalie, les klaxons deux tons hurlants. Quel évènement…
Quand j’au vu ce bonhomme pas rasé depuis quand ? J’ai eu du mal à croire que c’était papa. Oui bien sûr, je le connaissais par les photos, mais quand même quelle surprise !
La dernière fois que je l’avais vu pour de vrai, c’était à sa dernière permission, le 25 mars 1940, j’ai retrouvé la date sur son carnet-journal, il ya cinq ans. Je me souviens bien, je m’étais caché pour ne pas lui dire « au revoir » afin qu’il ne puisse pas repartir ! Bien sûr ça n’avait servi à rien.
Angèle GAUDÉ d’Hagécourt, la femme de mon parrain Jules n’était pas venue à ma première communion, pour la bonne raison qu’elle était à la maternité et venait de mettre au monde ‘’le Petit André’’, le vingt neuf mai et j’ai été parrain de ce petit bonhomme avec sa sœur Marie-Thérèse pour marraine.
Quelques jours après le retour de papa, Michel, mon frère s’en souvient bien, on est allé les voir à la maternité de Mirecourt avec nos parents. Je ne sais plus par quel moyen, sans doute mon parrain Jules GAUDÉ et sa Rosalie Citroën.
Octobre 1947 : René MARCHAND fait un prisonnier allemand
Quelques semaines après la guerre de 1939/45, René MARCHAND chasse seul dans les bois roches de Jésonville dits bois de Manneçon ; Quand tout à coup son chien donne de la voix devant un fourré, mais rien ne sort… C’est alors notre chasseur aperçoit une musette au pied d’un arbre et qu’un prisonnier allemand évadé sort enfin du fourré…
René le ramène au bout du fusil devant lui à Jésonville puis téléphone à la Gendarmerie de Darney. Le chef lui répond « mes hommes sont tous en service, il faut nous l’emmener »
Alors avec Michel, son fils âgé de 10 ans à l’époque qui pousse leurs deux vélos pour leur retour, ils partent à pieds à côté des vélos, il y a sept kilomètres-aller. Le prisonnier devant le fusil.
Tout se passe bien, mais au lieu dit Joncey, au-dessus de la petite côte, la forêt touche la route et il y a un petit ponceau, la place est belle pour une évasion dans la forêt, c’est ce que pense et fait le prisonnier, mais sans compter sur le réflexe de son gardien qui le remet sur le bon chemin.
Il passera la nuit à la gendarmerie de Darney et sera conduit à Epinal lev lendemain par deux gendarmes et il tentera encore une évasion dans la foule à Epinal.
Les prisonniers allemands
La guerre est finie, le 8 mai 1945, les derniers prisonniers seront libérés en septembre 1948. Les plus âgés sont repartis avant. Donc entre 1945 et 1948, ils travaillaient dans des fermes ou dans l’industrie et au déminage.
Par exemple chez nous, on en a eu plusieurs de suite. Le premier Ludwig BRIGUEL, boucher de métier, âgé et pacifique ; à son départ il a été remplacé par Aloïs je ne sais plus son nom de famille, un assez jeune assez hitlérien, mais un très bon forgeron.
A l’époque, on n’avait qu’une mauvaise forge, l’enclume était dans le même genre et partant de ça, il nous a fabriqué et ça existe encore 70 ans après, il nous a redressé et rabouté de cercle de deux roux de râteau à cheval pour en faire un rail de porte roulante ; c’était l’époque où le métal n’était pas en vente libre.
La ferme derrière chez nous de Camille REDOUTEY a eu aussi un prisonnier
Jules GAUDÉ à Hagécourt a eu Henri RUPP, 51 ans, à l’époque, pacifique. Vers les années 1950 et quelques, il est revenu avec sa famille dire « bonjour » a ses anciens patrons. Son remplaçant, un jeune ‘’Tony’’, lui a pris la clé des champs !
A la Forge Kaïtel, à côté de Darney logeaient une trentaine de prisonniers travaillant en forêt, dont une partie pour la scierie Charles DUHOUX à Belrupt.
Le reste des prisonniers a été libéré en 1948.
Je viens de prêter cet album à Ginette THIEBAUT née en 1935, originaire de Jésonville et donc quasiment de mon âge, elle me dit : « Chez nous aussi on eu un P.G. allemand, ainsi qu’André COLAS et voilà ce qui nous est arrivé…
Papa, donc Victor THIEBAUT supposait que notre prisonnier, âgé d’une vingtaine d’années hitlérien préparait une évasion avec celui de chez André COLAS. Il en parle à André COLAS, celui-ci téléphone au dépôt de s prisonniers à Pouxeux pour les aviser. On lui répond, le mieux serait de nous les ramener au plus vite !
L’autobus d’Epinal passant à 9 heures du matin à Jésonville, Messieurs COLAS et THIEBAUT avaient encore le temps de prévenir leur prisonnier et préparer les bagages en leur disant qu’ils avaient eu un coup de téléphone demandant leur retour d’urgence à Pouxeux, et nos quatre hommes ont pris le bus pour Epinal puis le train pour Pouxeux, court-circuitant ainsi les deux P.G. de leur projet.
Il y a les P.G. qui sont restés en France. C’est le cas de :
A Senonges, chez Natole BOULANGER, cultivateur, le prisonnier HABERMANN qui s’est marié avec la fille.
Encore à Senonges, OLSWESKI, polonais placé chez Georges CARNET, cultivateur s’est aussi marié avec la fille.
Vers les années 1975-78, le laitier qui ramassait le lait chez nous pour la fromagerie de Bulgnéville s’appelait HEINDEL , habitant Suriauville était aussi dans ce cas, ainsi que le chauffeur de l’ambulance de l’hôpital de Darney.
Ecrit le 16 juillet 2020 –André BARBIER.